Dans ce poste, je souhaite parler de la manière dont j’ai vécu cette aventure au niveau de mes émotions.

Photos professionnelles: Mélanie Cannac

Au-delà de la performance physique, Alibaba a été pour moi une incroyable expérience humaine. En grande voie, la connexion avec le partenaire est extrêmement forte. L’aventure que l’on vit, les émotions comme la peur, le doute mais aussi la joie, les moments de complicité et de dépassement de soi, nous lient d’une manière particulière et imprègnent notre mémoire de moments inoubliables.

Dans Alibaba, partager le même challenge avec Solène, être confrontées aux mêmes difficultés, caler les méthodes ensemble, réfléchir et prendre des décisions quant à la meilleure stratégie à adopter (et l’adapter au jour le jour) concernant le hissage et l’enchaînement des longueurs a été la clef de notre réussite. Jamais je ne me suis sentie seule face à mon challenge, à mes doutes, nous étions dans le même bateau.

Ayant toutes les deux passé des années à se mesurer aux autres sur des murs artificiels, il n’y a pour moi pas de place pour la compétition sur le rocher. Le challenge est uniquement de se surpasser et de donner le meilleur de soi. Ressentir son corps en parfaite osmose avec son esprit pour accomplir des exploits dont on ne se croyait pas capable. Cela demande de pouvoir puiser en soi des ressources inimaginables, trouver des solutions aux problèmes complexes dictés par la roche et continuer d’y croire quand plus rien ne semble possible. Quand le jeu flirte de si près avec les limites de nos performances, c’est avant tout le soutien du partenaire qui permet d’atteindre le sommet.

Chaque fois que Solène enchaînait une longueur, c’était un authentique moment de bonheur pour moi aussi qui me remplissait d’énergie. Pas parce qu’une de ses chute m’aurait ralentie dans ma progression mais simplement parce que je me réjouissais pour elle de la voir s’approcher un peu plus de son rêve d’enchaînement.

Notre objectif de départ était d’y arriver ensemble, quitte à attendre la deuxième sur un essai ou deux. Mais quand on a débuté notre projet, qu’on a pris conscience de la charge physique et du temps que chaque essai exigeait, sachant que nous n’avions des vivres que pour 3.5 jours, on a réalisé que nous n’avions pas de marge pour l’erreur. Une montée de calage des méthodes suivi d’un run d’enchaînement était le maximum, pas de place pour des essais supplémentaires.

Ainsi le 3ème jour, quand je me suis lancée dans la 6ème longueur, la plus difficile selon moi, que tout mon corps épuisé me suppliait de renoncer, le doute s’est insinué dans mon esprit. Je me suis laissé submerger par l’envie d’abandonner, le bateau sur lequel nous étions toute les deux commençait à chavirer… Nous en avions brièvement parlé à l’avance, nous nous faisions pleinement confiance et nous savions suffisamment bienveillante l’une envers l’autre pour savoir que celle qui ne parviendrait pas à trouver les ressources nécessaires aurait le bon sens de prendre la bonne décision afin de ne pas compromettre les chances de réussite de la seconde, ce qui en soi aurait été pour moi encore bien pire. J’avais donc un essai pour y arriver, sans quoi je me consacrerais à soutenir Solène jusqu’au sommet. Heureusement, la pression de la dernière chance étant toujours de mon côté et soutenue par les encouragements constants de Solène qui rappelaient également à ma mémoire de poisson rouge les méthodes de certaines sections, m’ont finalement permis, dans un combat de l’espace, d’atteindre le bac final et de clipper le relais. Le mode machine était finalement activé, plus rien ne pouvait nous arrêter.

 

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