Avec pour seule compagnie notre stéréo s’égosillant sur un fond de musique country, nous quittons l’aéroport de Lexington sous une pluie battante, discernant derrière un pare-brise dégoulinant les nombreuses églises et pancartes louant le Seigneur qui font sérieusement concurrence aux McDo’. L’idée de m’enterrer au fin fond du Kentucky pour un mois de camping, ne m’inspire pas des masses.
Cependant, une fois le soleil de retour, la magie de l’univers très coloré de Red River Gorge opère. Nous nous enfonçons dans un paysage bien différent des étendues désertiques et des immenses canyons de la Côte Ouest. Composé de vastes forêts chatoyantes bordées de vertes prairies où broutent paisiblement les vaches et galopent fièrement les chevaux, le bout du monde prend des airs de paysages helvétiques. Enfin jusqu’à ce que les locaux nous baragouinent dans un accent infernal quelques mots de bienvenue, rigolant gentiment de nos plissements de yeux et de notre air ahuri.
Les falaises de grès empruntent de nuances grises, striées de coulées ocres, rougeoyantes ou bleutées attisent chaque année la curiosité d’une foule internationale de grimpeurs de tous horizons.
Sculptées au fil des intempéries et de l’érosion, les parois pour la plupart très déversantes et criblées de trous et réglettes, permettent de varier les méthodes en plaçant bidoigts ou tridoigts selon la grandeur des saucissons au bout des mains de chacun et de tordre des lolottes dans tous les sens.
Bien avantagés dans ce style d’escalade, la première semaine à Red River Gorge se passe à merveille avec une belle moisson de voies dans le 8ème degré pour moi (deux 8b+, trois 8b et trois 8a+ dont deux flash) et les 3 premiers 8a+ de Jim !
Mais ici le plaisir ne s’évalue pas sur une échelle de cotation et la grande majorité des voies, du très facile aux ascensions les plus folles sont de purs bijoux! De longs voyages d’endurance ne laissant pas de répit jusqu’au relais, occasionnant parfois chez certains quelques cris d’orangs-outans et de belles envolées dans une explosion d’acide lactique le nez devant le relais.
Gonflée à bloc par ces premières ascensions, je décide de m’atteler à un plus gros morceau, Southern Smoke 8c+. Épaulée par les bonnes méthodes et les encouragements de Dru Mack, un grimpeur local, la première montée se passe bien et je sens que la voie me convient parfaitement. Un petit jour de repos et je pourrai taper de vrais essais. Mais c’est sans compter sur la soudaine arrivée d’une chaleur et d’une moiteur atterrante, Miss Météo ayant décidé de transformer les gorges en véritable forêt tropicale réduisant toute adhérence à zéro et mes chances de réussite par la même occasion.
Ce sont les aléas de Red River Gorge et nous en profitons pour faire beaucoup de voies dans un niveau plus décent, alternant jour de repos permettant à Jim de retrouver sa 2ème chérie, la canne à pêche.
Choisissant la solution économique, nous optons pour le camping (étape la plus redoutable du trip pour moi) et plantons tente chez Miguel, où nous faisons rapidement la connaissance d’une belle brochette de passionnés liés par l’escalade, les pizzas de Miguel et les bières post-performances. Nous y croisons autant de visages, que de personnalités différentes parfois loufoques, des rencontres que l’on sait éphémères, malgré les promesses de retrouvailles, intensifiant d’autant plus l’instant présent. Des gens partis pour un week-end, une saison ou une vie, qui ont fait le choix de vivre simplement mais intensément.
Après l’annonce d’un jour béni de fraîcheur quelques jours avant la fin de notre séjour, une petite lueur d’espoir pointe le bout de son nez et je retourne aux affaires sérieuses. Trois tentatives sont avortées tout en haut de la voie, à seulement quelques mètres du relais !! Si proche du but et pourtant le doute s’empare de moi, je sens que cette voie me glisse entre les doigts. A cela s’ajoute la météo qui joue avec mes nerfs, annonçant température et humidité à la mode Tonsaï, les cocotiers en moins et les moustiques en plus. Parasitée par ces mauvaises prévisions, je décide cependant de faire un pied de nez à cette météo et tente encore ma chance. Après des pluies torrentielles, un dernier jour de « frais » s’annonce, juste deux jours avant notre départ pour bien pimenter l’histoire. Je ne vous cache pas que ce matin là j’ai eu du mal à avaler ma tartine! Mais la pression de la dernière chance a toujours été de mon côté.
Serre, avance, reste calme, respire. Ma concentration est à son zénith, portant sur chaque préhension, chaque placement, me mouvant prise après prise vers le sommet de la voie. Plus rien ne vient me perturber. Je sens la texture du rocher sous mes doigts, les mains pleines de magnésie pour trouver l’adhérence tant recherchée. Mes bras me font souffrir, mes doigts s’ouvrent sous le poids de la fatigue et m’abandonnent. Mais ma tête reprend le dessus, cette petite voie me hurle du fond des entrailles de résister encore quelques instants. Mon cœur palpite mais mon corps continue d’exécuter les mouvements dictés par ma volonté dans un équilibre toujours plus précaire. Je me rapproche de l’impossible.
Puis j’atteins le sommet. Je clippe le relais de ma première 8c+.
Red River Gorge restera définitivement la meilleures étape grimpe de ce voyage. Après avoir atteint la quintessence de mes émotions, je repars le cœur léger, emplie de bonnes sensations et de ce sentiment d’avoir progresser dans mon escalade. J’adresse un merci particulier à Michael Lim pour avoir immortalisé virtuosement la beauté de l’instant et surtout à Jim, partenaire de grimpe et de vie, pour sa patience et son soutien sans lequel rien ne serait possible.
A tout bientôt,
Kat.
Simplement superbe Cathy!
Les photos sont top aussi, congrat to Michael
Merci beaucoup François!! On se réjouit aussi de vous revoir, à tout bientôt!
Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet http://www.neonmag.fr
Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Bonne journée à tout le monde ! Fabienne Huillet neonmag.fr