Après deux visites éclair au hasard du calendrier des compétitions, je m’étais fait la promesse de revenir au Japon, véritable coup de cœur qui m’avait tant émerveillée. Un trip autour du monde ne pouvait donc pas se passer d’un séjour au pays du Soleil-Levant !
Bien que ce pays soit plus populaire pour son héritage culturel, sa nourriture exquise ou même ses sports d’hiver, l’escalade est extrêmement populaire et développée dans tout l’archipel. Le seul hic, c’est qu’à moins de se débrouiller en japonais, vous avez plus de chance de voir un sushi volant vous passer sous le nez que de déchiffrer un topo et l’accès à sa falaise. La communauté de grimpeurs étant très soudée à travers le monde, nous retrouvons heureusement Nobu et sa femme Harumi, nos deux guides japonais salvateurs mis en contact par un ami en commun.
A bord de la Chevrolet de notre nouvel ami, nous parcourons depuis Tokyo une centaine de kilomètres à la louche pour rejoindre au sud-ouest, les Côtes de Jogasaki balayées par les remous de l’océan Pacifique. Au détours d’un virage, nous attend une charmante maison de style traditionnel dans un petit village, aménagée de futons, tatamis et d’un onsen (sorte de jacuzzi pourvu d’une source d’eau naturelle bouillante à faire fondre un esquimau, dont on en sort rougi, ramolli et bien détendu) et même d’une télévision, qui entre les émissions de téléréalité nippones et les matches de sumo est un vrai divertissement en soi!
Après un réveil sous un tourbillon de neige dégommé par le soleil qui ne tarde pas à pointer le bout de son nez, nous atteignons la côte où se trouvent les secteurs de grimpe.
Les pieds au bord du précipice, la vue sur une côte déchiquetée, formée il y a 4000 ans par les coulés de lave du Mont Omuro puis façonnée par des centaines d’années de vent et d’océan, nous cloue littéralement sur place. Une descente en rappel nous amène aux gencives de deux styles différents, d’un côté une paroi noire, lisse et parsemée de fissures, et de l’autre des voies légèrement déversantes, sculptées en strates arrondis, comme des sortes de bourrelets.
Avec ce décor de rêve, le son assourdissant de l’océan qui se déchaîne et les vagues s’écrasant sur le flanc des rochers à quelques mètres dans notre dos, le Japon peut s’enorgueillir de cette pépite d’escalade à l’atmosphère dantesque, avec pour seul petit bémol, le peu de voie dépassant le 7ème degré.
Au royaume des arquées, on se régale pendant quelques jours sur ce mur d’un style surprenant et nouveau pour nous, quelque peu impressionnés par certains grimpeurs du coin dépassant les 60 printemps, qui entre deux cris de samouraï, serrent les biceps et tiennent encore les petites croûtes des voies les plus dures!
Nous reprenons ensuite la route jusqu’à Caramba, la salle d’escalade de Nobu, où nous déroulons sacs de couchage et nattes pour le reste du séjour.
Dans une ambiance vraiment sympa accouplée d’une véritable dynamique d’entraînement, nous passons nos soirées à faire la connaissance des habitués et à essayer de manier quelques mots de cette langue indomptable que Nobu tente inlassablement de nous enseigner.
Parce qu’un break d’escalade s’impose de temps en temps, nous sautons au petit matin dans un Shinkansen, le train vitesse fusée japonais qui nous propulse en deux heures dans l’ancienne capitale nippone. Le temps de quelques journées, nous sillonnons la belle Kyoto à la découverte des joyaux de l’héritage national de cette cité historique.
Notre tournée touristique se poursuit sur une autre planète, celle de Tokyo et son dédale de buildings qui s’étirent jusqu’à titiller les nuages, camouflant derrière ses murs placardés d’écrans géants, d’innombrables salles de jeux vidéo et centres commerciaux truffés des gadgets les plus farfelus et arpentés d’une jeunesse branchée très colorée.
Cette culture fascinante à des années lumières de nos mœurs occidentales attise infiniment notre curiosité, nous paraissant complètement délirante (il faut bien appeler un chat un chat), ce qui n’est bien sûr que le fruit d’une perception personnelle différente de la normalité. Contrastant totalement avec ces premières impressions, la retenue, la sincérité et la gentillesse sans égal du peuple japonais nous ont également beaucoup touchés.
Malgré cela comme toute ville, ce concentré de divertissement tourne vite à l’étourdissement et les doigts nous démangeant gentiment, nous filons une nouvelle fois dans les montagnes enneigées, où se dissimule un bout de caillou parmi les plus réputés du pays, la falaise de Futago-yama.
Avec un redoutable dévers jonché de préhensions variées d’un calcaire d’une nature de contact remarquable, nous touchons ici le jackpot des sites de grimpe du pays, avec un bon concentré de voies dures aux cotations vraiment corsées, que j’arrête de convertir dans notre système européen, car ça serait trop désespérant.
Des lignes démentes d’un niveau abordable pour le commun des mortels, s’envolant jusqu’au 9ème degré pour les plus mutants d’entre nous, nous aurons eu l’occasion dans un froid plus que vivifiant d’y balader notre sac à pof pendant deux journées, juste suffisantes pour se mettre l’eau à la bouche, ouvrir quelques projets et trouver une raison de plus de revenir au Japon afin de les achever.
Poussant le vice jusqu’au bout, Nobu nous dévoile finalement les falaises d’Okutama, un village pittoresque niché au milieu des montagnes, où il possède une petite maison traditionnelle entourée de plusieurs falaises de taille plus modeste.
Avec un thermomètre chatouillant le zéro degré procurant l’impression de grimper des bigoudis entre les doigts, Jim et moi ne clippons qu’une poignée de relais dans un combat de guerriers. Pas encore remis de sa blessure au doigt, souvenir made in Thailand, l’épaule de Jim ne manque pas d’ajouter son grain de sel et de raviver une ancienne blessure.
Quelque peu dépités par le sort qui s’acharne sur Jim, nous achevons le week-end par un souper en compagnie de Nobu et de quelques amis bien déjantés, qui ne manquent pas de lui redonner le sourire, la barrière de la langue n’empêchant pas de passer une soirée des plus animées, où les mots ne sont qu’un obstacle éphémère.
Les journées filent et le temps de se gaver de nos derniers sushis nous est compté. Menés hors des sentiers battus depuis plus de 3 mois par notre passion, la moitié de notre voyage s’est à présent écoulée. Affamés de découverte et de liberté, sans aucune frustration ni regret, chaque jour nous contente. Savourant le moindre instant, notre mémoire se grave alors d’un goût d’éternité.
À nouveau à mi-chemin entre ciel et terre, le vol NH 0008 à destination de San Francisco nous emmène de l’autre coté du Pacifique, où un menu tout aussi alléchant de nouveaux horizons nous attend pour les 3 prochains mois.
J’adresse enfin mes derniers mots à nos deux complices japonais Nobu et Harumi, qui emportent toute ma gratitude ainsi qu’une brouette de remerciements pour avoir été pendant ces deux semaines, plus que des guides hors pair, de fabuleux amis !
Japon, c’est promis, je reviendrai!
A tout bientôt,
Kat.
Beau moment de dépaysement!