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Photo Mollasse’son : Hugo Vincent / Photo La Ramirole : Jan Virt

Choisir un projet de voie difficile pour lequel on souhaite investir du temps et de l’énergie, c’est pour moi à la fois effrayant mais aussi très excitant car je sais qu’il faudra que je dépasse à nouveau toutes mes limites pour y parvenir. Ce à quoi je fais face n’est pas seulement un test physique mais aussi et surtout un processus mental.

L’idée de me lancer à nouveau dans un projet de voie dans le 9ème degré a fait son chemin dans mon esprit, mais il fallait bien sûr trouver une ligne qui me plaise, plus qu’une histoire de cotation. Un endroit beau, calme, apaisant. La voie Mollasse’son côtée 9a, située à Mollans-sur-Ouvèze dans le sud de la France, avait tout ce qu’il fallait.

Lors de ma première montée, la gravité semblait particulièrement forte, chaque mouvement était extrêmement difficile à exécuter et j’étais aussi proche de les enchaîner que d’assister un jour à un défilé de licorne. Les jours passent, ma gestuelle s’améliore, je commence à apprivoiser les mouvements mais les progrès restent minimes. Je sens que l’objectif me glisse entre les doigts et que je dois accepter la possibilité de ne pas réussir aussi rapidement que prévu cette voie. Ou peut-être même que je n’y arriverai pas du tout ? Le doute s’installe. Ces moments, quand je sors de ma zone de confort, où je me sens vulnérable, où la peur de l’échec provoque une perte de confiance en mes capacités, me font me questionner sur le sens de mes actes et cette petite voie s’immisce alors dans mon esprit : est-ce que j’ai visé trop haut ? Ai-je les ressources suffisantes ? Suis-je trop faible ? Ce qui est sûre c’est que cette fois-ci, je dois me résoudre à repartir bredouille sans avoir atteint mon objectif.

Se lancer dans un projet difficile est un processus parfois compliqué qui te pousse à explorer tes émotions et à apprendre à les gérer. Chaque jour passé dans cette voie où je donne le meilleur de moi, chaque petit progrès qui en résulte est une victoire qui me rapproche de mon objectif. Cette voie m’aura appris à gérer la frustration, le sentiment de ne pas toujours réussir tout en gardant confiance en soi et avant tout le plaisir de l’escalade. Je fais confiance à ma persévérance et à ma patience pour y arriver. Je reviendrai !

Le printemps arrivé, un projet en grande voie qui me trottait dans la tête depuis un moment refait surface. Il y a quelques années, j’étais tombée sur une impressionnante photo de Nina Caprez dans une longue voie située sur la rive gauche des Gorges du Verdon. « La Ramirole » : un dévers gargantuesque de 150 mètres de long, ciselée de longues colonnettes oscillant entre le bleu et le blanc, se découpant en 5 longueurs qui ont de quoi en décourager plus d’un : 8a+, 8a, 8b, 8a, 6c+ ! Il m’a fallu du temps avant de me sentir prête à affronter cet ovni minéral mais cette fois je ne suis pas seule face à mon objectif. Jim Zimmermann, mon partenaire, est à mes côtés pour se lancer dans ce projet et traverser avec moi les mêmes difficultés.

Située au milieu de ce qui me semble être le bout du monde, la falaise est déserte. Nous ne croisons lors de notre séjour qu’une poignée de cyclistes et de touristes. Nous sommes seuls au milieu de ce paysage grandiose avec pour seuls témoins nos « c’est trop dur ! », « j’ai mal à la peau », « je suis fatiguée » et autres plaintes incessantes, les oiseaux qui fendent l’air au-dessus de nos têtes dans un ballet aérien. La tâche s’avère difficile. Travailler ces longueurs si déversantes et penduler toute la journée dans le vide est épuisant, les bras finissent rôtis et grillés, le rocher agressif nous laisse le bout des coussinets bien rosés et les coincements de genou des jambes tachetées de couleurs oscillant entre les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Le mode supercrabe doit rapidement être activé pour pincer ces colonnettes afin d’éviter l’agonie fatale.  Bref, des vacances comme on les aime !

Après 4 jours à travailler chaque longueur de bas en haut, nous commencions à tenir le bon filon et étions prêts à mettre un essai afin d’atteindre notre but : enchaîner sans tomber chaque longueur en tête, à la suite, lors de la même journée.

9h, on décolle dans la voie. Je ressens la pression. Je sais que pour réussir toutes ces longueurs très physiques je n’ai pas droit à l’erreur et ne dois tomber dans aucune longueur. Ouf, la première longueur passe après un grand combat de résistance ! Juste le temps de ressentir un petit soulagement pour cette première victoire en clippant ce premier relais avant de penser qu’il me reste 3 autres longueurs dans le 8ème degré à réussir… La pression remonte vite ! Je réussis la longueur suivante et me retrouve au pied de la 3ème, la longueur clef en 8b. Ça y est, je me lance. Cherchant désespérément des positions potentiellement salvatrices, je me retrouve à essayer de coincer des pointes, des genoux ou toutes autres parties du corps pouvant m’aider à avancer dans ce long combat gravitationnel !

Mais je ne connais pas bien les méthodes par cœur, je patauge un peu et perds de l’énergie. Je me bats et monte de plus en plus haut. À mon étonnement, j’atteins la toute dernière partie de la longueur, là où se trouve le crux (la partie la plus difficile), à quelques mètres du relais. Je me repose autant que je peux en secouant mes bras gonflés par la fatigue, je respire à fond pour calmer les battements de mon cœur qui joue la Traviata tout en visualisant la suite des mouvements que je dois exécuter. C’est parti je me lance dans les derniers mouv’ : serre les prises, coince ton genou contre la colonette pour soulager tes bras, pose ton pied gauche en lolotte, clippe la dernière dégaine, secoue encore une fois les bras, respire, monte le corps jusqu’à ce bidoigt, remonte le pied, serre et … c’est la chute. Je passe le bonsoir au relais en tombant quasiment le nez devant. Si proche du but, j’entends à nouveau cette même petite voie s’immiscer dans mon esprit qui me dit que je n’en suis pas capable, que je suis trop faible. Epuisée mais déterminée comme jamais, persuadée que la réalisation est intimement liée à la conviction inébranlable que c’est possible, je redescends au début de la longueur afin de remettre un essai. N’ayant plus rien à perdre, je grimpe beaucoup plus fluidement et rapidement jusqu’à la dernière partie. J’y crois jusqu’au bout mais épuisée, je chute au même endroit. Cette fois je n’ai plus la force de faire quoi que ce soit, mais je finis la journée avec un grand sourire, satisfaite d’avoir tout essayé.

N’ayant plus que quelques jours avant notre départ, nous prenons un jour de repos avant de remette un essai. Jim et moi réussissons les deux à enchaîner les 2 premières longueurs (après mes enchaînements je suis redescendue à chaque longueur pour l’assurer afin qu’il grimpe en tête et suis remontée sur une corde statique avec un jumar), il ne reste « plus que » la 8b et la dernière 8a. Et finalement, je tords le cou à cette voie dans un combat vertical avec à la clé, le Graal auquel chaque grimpeur aspire : la sensation d’avoir accompli l’impossible ! Jim finalement, très proche du but également, tombera dans le dernier mouvement dur de la 8b. Sa progression et sa détermination n’aura toutefois eu de cesse de me surprendre et représente un accomplissement en soi !

Partager cette aventure avec son compagnon de cordée et de vie, partager avec lui la pression, la fatigue, les difficultés, la déception quand il est tombé mais également l’excitation, le soutien mutuel, les rires et les moments de joie après chaque longueur réussie ont fait de cette ascension une expérience incroyable qui me restera longtemps en mémoire !

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BEKENNTNIS EINER KLETTERIN ZU IHREN ERFOLGEN UND MISSERFOLGEN

Sich für ein schwieriges Kletterprojekt zu entscheiden, in das man Zeit und Energie investieren möchte, ist für mich zugleich beängstigend, aber auch sehr aufregend. Denn ich weiss, dass ich erneut alle meine Grenzen überwinden muss, um es zu schaffen. Was ich vor mir habe, ist nicht nur eine körperliche Prüfung, sondern vor allem ein mentaler Prozess.

Die Idee, mich erneut an ein Projekt im 9. Grad zu wagen, hatte sich in meinem Geist eingenistet, aber natürlich musste ich zuerst eine Linie finden, die mir gefällt und nicht nur eine die schwierig bewertet ist. Ein schöner, ruhiger und wohltuender Ort sollte es sein. Die Route Mollasse’son mit der Bewertung 9a, die sich in Mollans-sur-Ouvèze in Südfrankreich befindet, bot mir alles, was ich brauchte.

Bei meinem ersten Aufstieg schien die Schwerkraft besonders stark zu wirken, jeder Zug war extrem schwierig auszuführen. Ich war ungefähr so nah dran, alle aneinanderzureihen, wie am Beobachten einer Einhornparade. Die Tage vergehen, meine Bewegungsabläufe verbessern sich, ich beginne, die Züge zu zähmen, aber die Fortschritte bleiben minimal. Ich spüre, dass mir das Ziel durch die Finger rutscht und dass ich die Möglichkeit akzeptieren muss, dass ich mit dieser Route nicht so schnell Erfolg haben werde wie erwartet. Oder vielleicht sogar, dass ich es überhaupt nicht schaffen werde? Zweifel machen sich breit. Diese Momente, in denen ich meine Komfortzone verlasse, in denen ich mich verletzlich fühle, in denen die Angst vor dem Versagen zu einem Vertrauensverlust in meine Fähigkeiten führt, lassen mich den Sinn meines Handelns hinterfragen und diese kleine Route schleicht sich dann in meinen Kopf: Habe ich meine Ziele zu hochgesteckt? Habe ich genügend Ressourcen? Bin ich zu schwach? Sicher ist, dass ich mich diesmal damit abfinden muss, ohne mein Ziel erreicht zu haben, mit leeren Händen nach Hause zu gehen.

Sich auf ein schwieriges Projekt einzulassen ist manchmal ein komplizierter Prozess, der dich anregt, deine Gefühle zu erforschen und zu lernen, mit ihnen umzugehen. Jeder Tag, den ich in dieser Route verbringe und dabei mein Bestes gebe, jeder kleine Fortschritt, der daraus resultiert, ist ein Sieg, der mich meinem Ziel näherbringt. Die Route hat mich gelehrt, mit Frustration, und dem Gefühl nicht immer erfolgreich zu sein, umzugehen, ohne dabei mein Selbstvertrauen und vor allem die Freude am Klettern zu verlieren. Ich vertraue auf meine Ausdauer und meine Geduld, um es zu schaffen. Ich werde wiederkommen!

Der Frühling kommt, und damit taucht auch ein Mehrseillängenprojekt wieder auf, das mir schon seit einiger Zeit im Kopf herumschwirrt. Vor einigen Jahren stolperte ich über ein beeindruckendes Foto von Nina Caprez in einer Mehrseillänge auf der linken Seite der Verdonschlucht. « La Ramirole »: ein 150 Meter langer, gigantischer Überhang mit langen, zwischen blau und weiss schwankenden Säulen, der in fünf, für viele abschreckend schwierige, Seillängen unterteilt ist: 8a+, 8a, 8b, 8a, 6c+! Es hat eine Weile gedauert, bis ich mich bereit fühlte, mich diesem mineralischen UFO zu stellen, aber dieses Mal bin ich nicht allein mit meinem Ziel. Jim Zimmermann, mein Partner, ist an meiner Seite, um sich in dieses Projekt zu stürzen und mit mir die gleichen Grade zu durchqueren.

Es kommt mir vor als stünde die Klippe am Ende der Welt, es ist menschenleer. Wir begegnen während unseres Aufenthalts nur einer Handvoll Radfahrer:innen und Tourist:innen. Wir sind allein inmitten dieser grandiosen Landschaft und die einzigen Zeugen unserer unaufhörlichen Beschwerden – « Es ist zu hart! », « Meine Haut tut weh », « Ich bin müde » – sind die Vögel, die über unseren Köpfen den Himmel mit ihrem Luftballett durchschneiden. Die Route erweist sich als schwierig. Die Arme werden gebraten und gegrillt, der aggressive Fels hinterlässt rosige Beulen und die Knie und Beine sind in den sieben Farben des Regenbogens gefleckt. Der Superkrabbenmodus muss schnell aktiviert werden, um diese Sinter zu kneifen und tödliche Qualen zu vermeiden. Kurzum, ein Urlaub, wie wir ihn lieben!

Nachdem wir vier Tage lang jede Seillänge von unten nach oben bearbeitet hatten, begannen wir die richtige Spur zu finden und waren bereit einen zielgerichteten Versuch zu wagen: an einem Tag jede Seillänge im Vorstieg hintereinander ohne Sturz durchzuziehen.

9 Uhr: Wir steigen in die Route ein. Ich verspüre Druck. Ich weiss, dass ich mir keinen Fehler erlauben darf, um all diese körperlich anstrengenden Seillängen zu schaffen, und ich darf in keiner Länge fallen. Puh, die erste Seillänge geht nach grossen Widerständen und viel Kampf vorbei! Beim Einhängen des ersten Standes habe ich gerade genug Zeit mich über diesen ersten kleinen Sieg zu freuen, bevor ich daran denke, dass ich noch drei weitere Längen im 8. Grad schaffen muss… Der Druck steigt schnell wieder an! Ich schaffe die nächste Länge und befinde mich am Fuss der dritten Schlüssellänge, 8b. Jetzt geht es richtig los. Auf der verzweifelten Suche nach potenziell rettenden Positionen versuche ich, Fussspitzen, Knie oder andere Körperteile einzuklemmen, um mich in diesem langen Kampf gegen die Schwerkraft weiterzubringen!

Aber ich kenne noch nicht ganz alle Abläufe auswendig, tappe ein wenig im Dunkeln, verliere Energie, kämpfe mich aber durch und steige immer höher und höher. Zu meinem Erstaunen erreiche ich den allerletzten Teil der Seillänge, wo sich die Crux (der schwierigste Teil) befindet, und bin nur wenige Meter vom Stand entfernt. Ich ruhe mich so gut es geht aus, schüttle meine vor Müdigkeit geschwollenen Arme, atme tief durch, um meinen Herzschlag zu beruhigen – der die Traviata spielt – während ich mir die mir noch bevorstehenden Züge vorstelle. Dann geht es los und ich mache mich an die letzten Meter: die Griffe kneifen, das Knie gegen die Säule klemmen, um die Arme zu entlasten, das linke Bein im Dropknee, das letzte Expressset einhängen, die Arme noch einmal schütteln, atmen, den Körper bis zu einem Zweifingerloch hochziehen, den Fuss nachziehen, zuklemmen und… Sturz. Ich sage dem Stand vor mir gute Nacht und stürze quasi Nase voraus wieder runter. So kurz vor dem Ziel höre ich erneut, wie sich die gleiche kleine Stimme in meinem Kopf einschleicht, die mir sagt, dass ich es nicht schaffen kann, dass ich zu schwach bin. Erschöpft, aber entschlossen wie nie zuvor und überzeugt, dass das Erreichen des Ziels eng mit der unerschütterlichen Einstellung verbunden ist, dass es möglich ist, steige ich wieder zum Anfang der Länge hinab, um einen neuen Versuch zu starten. Da ich nichts mehr zu verlieren habe, klettere ich viel flüssiger und schneller bis zum letzten Abschnitt. Ich glaube bis zum Schluss daran, aber erschöpft stürze ich an der gleichen Stelle ab. Diesmal habe ich nicht mehr die Kraft, noch etwas anderes zu versuchen, aber ich beende den Tag mit einem breiten Lächeln und bin zufrieden, dass ich alles versucht habe.

Da wir nur noch wenige Tage bis zur Abreise hatten, legten wir vor dem nächsten Versuch einen Ruhetag ein. Jim und ich schaffen es beide, die ersten beiden Seillängen zu klettern (nach meinen Durchstiegen bin ich an jeder Seillänge abgestiegen, um ihn zu sichern, damit er im Vorstieg klettert, und bin an einem statischen Seil mit einer Handsteigklemme wieder aufgestiegen), es bleiben « nur » noch die 8b und die letzte 8a. Und schliesslich drehe ich dieser Route in einem vertikalen Kampf den Hals um und erreiche den Gral, nach dem jeder Kletterer strebt: das Gefühl, das Unmögliche geschafft zu haben! Jim schliesslich, ebenfalls sehr nahe am Ziel, stürzt im letzten harten Zug der 8b. Sein Fortschritt und seine Entschlossenheit haben mich jedoch immer wieder überrascht und sind an sich schon eine Leistung!

Dieses Abenteuer mit seinem Seil- und Lebensgefährten zu erleben, mit ihm den Druck, die Müdigkeit, die Schwierigkeiten, die Enttäuschung, wenn er gefallen ist, aber auch die Aufregung, die gegenseitige Unterstützung, das Lachen und die Momente der Freude nach jeder erfolgreichen Seillänge zu teilen, haben diesen Durchstieg zu einem unglaublichen Erlebnis gemacht, das mir noch lange in Erinnerung bleiben wird!

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